Les Unités de Sophie Delhay
Recherche commune, méthode exploratoire, prise de risque: une innovation typologique ne se fait jamais seule. Elle requiert un goût pour l’aventure, une vision et de la ténacité bien argumentée. Contre les attendus règlementaires et normatifs, contre la standardisation qui nous abat, développer une typologie créative est toujours un sacerdoce. Battre en brèche les sempiternelles partitions jour/nuit du logement, déjouer l’idée qu’une chambre est uniquement une chambre et un salon un salon et rien de plus, bref, mettre en pièces le logement pour désassigner ses espaces de leur fonction figée pour l’éternité est le défi relevé avec succès par Sophie Delhay. Elle n’y serait jamais parvenue sans la pleine adhésion de son maître d’ouvrage, grand Dijon habitat, ni des itérations permanentes avec les gestionnaires, ceux qui font vivre ce patrimoine bâti au fil des décennies. Ce projet issu d’un marché négocié, qui a donc échappé au concours d’architecture, fait le pari que le seul critère qui vaille dans le logement n’est ni son statut, ni sa taille, mais sa configuration : seule ou groupée ? Chaque pièce des logements de la résidence de Sophie Delhay offre cette double expérience de l’échelle et du nombre, et chaque logement propose à ses habitants de la domesticité comme de l’urbanité, de l’ouverture et du regroupement comme du repli et de l’intimité. Exemplaire par sa typologie et formidablement libertaire, ce projet devient paradoxalement manifeste de la nouvelle question qui devrait occuper les acteurs du logement : avec qui habite-t-on ?
Photos Bertrand Verney