Bruxelles, ma belle, fiction XXL
Située au barycentre de l’Europe septentrionale, siège des institutions européennes, des lobbys les plus puissants, d’une scène créative foisonnante, Bruxelles a toutes les apparences d’un point de convergence. C’est en réalité à la fois un lieu de diffraction et de consensus, Bruxelles n’étant qu’une des 19 villes de la région capitale homonyme d’un État qui compte 3 régions, avec la Flandre et la Wallonie, et parle 4 langues. C’est aussi la capitale de tous les contrastes : sociologiques d’abord, avec un taux record d’ultra-riches et d’exilé·e·s fiscaux·ales (dont certain·e·s des 70 000 ressortissant·e·s français·es installé·e·s de ce côté de la frontière) pendant que plus d’une personne sur 3 y vit sous le seuil de pauvreté ; urbanistiques aussi, avec un tissu de maisons et d’hôtels de maître exprimant “dans l’individualisme de leurs façades ouvragées, la légitimité du pouvoir de l’élite financière et industrielle du 19e siècle dont surgissent des mastodontes de 20 étages”. Un phénomène appelé “bruxellisation”, stigmate de l’institutionnalisation d’un laisser-faire règlementaire et politique face à la spéculation immobilière, à l’origine de cette injure très bruxelloise, “Espèce d’architecte !”, que l’on se passera de traduire ici. Bruxelles c’est tout cela “dans le même temps”. Mais vraiment dans le même espace ? Oui et non. Car à Bruxelles l’espace n’est pas seulement géographique ou territorial, il est aussi culturel et mental, les communautés exerçant leurs influences au diapason des langues. Et si cet art de la dissociation et de la complexité institutionnelle contenait en germe ses propres stratégies de contournement de l’immobilisme et, in fine, de mobilisation de l’immobilier ? Ce voyage imaginé pour la troisième promotion d'auditeurs d'IDHEAL révèle des scénarios agiles et aventuriers d’acteur·ice·s qui parviennent à maintenir la forte mixité sociale et fonctionnelle de cette région capitale de 1,2 million d’habitant·e·s : occupation temporaire généralisée, emphytéose, circularité, négociation, troc, mobilité des institutions, contrats de quartier, chambre de projets, vision partagée, etc. Bref, du surréalisme au situationnisme, il n’y aurait qu’un pas : c’est l’hypothèse de départ de ce voyage d’études dédié aux stratégies de mobilité d’un pays plat en apparence seulement.